Un peu de soleil
Ce n'est pas grand chose ou presque rien, mais...
Tout à l'heure, Port Royal. Après une journée en gris, un homme visiblement importé du Congo est monté dans notre wagon. Physionomie, vêtements, et jusqu'aux couleurs vert/jaune/rouge arborées sur la sangle de sa guitare (et sur ses tongues!), tout me faisait penser au Congo.
Délaissant un temps Aragon, je l'observe s'apprêter.
Et le voilà qui entonne Ma môme... (c'est juste un extrait, afin de permettre à ceux qui ne connaissent pas cette chanson _Ôôhhh_ de la situer).
Il n'est pourtant pas si vieux. Combien se souviennent des airs de Jean Ferrat? L'entendre dans le RER, comme ça! Extra-ordinaire.
J'ai trop l'habitude de l'entendre par Ferrat pour apprécier d'abord la voix du bonhomme. Il me semble qu'il va massacrer la chanson.
Et puis, au bout de quelques phrases, je le perçois enfin. Son timbre. Chaud, étrange, agréable.
Je ferme les yeux. L'usine, Créteil, sa môme, tout est là.
J'ai peur qu'il ne chante qu'une chanson.. A-t-il projeté de descendre à Saint-Michel?
Non, il veut Aimer à perdre la raison avant de partir...
Je serre un peu Blanche.. entre mes mains.
Aragon, encore lui.
J'ai envie de lui demander comment il a connu Ferrat, s'il aime Aragon, si je le reverrai demain.
Chatelet. Déjà.
Je comprends confusément qu'il est pressé, il a encore la moitié du wagon à traverser avant de nous abondonner.
Tant pis.
Ca sonne joliment dans son chapeau. Il me sourit gentiment en s'inclinant. Et j'aimerais tant le questionner et lui parler.
Je regrette déjà son départ, tandis que mon rayon de soleil s'éclipse...