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Poussière de toile
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13 avril 2007

Pensées d'un biologiste

"Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense."

(Nicolas S., in Philosophie Magazine, n°8)

Ces propos, largement relayés, ont provoqué un tollé certain... et assez compréhensible. Voici ravivé le débat séculaire opposant l'acquis à l'inné, le déterminisme au volontarisme, et posant la question de la part de liberté et de responsabilité de l'Homme dans son destin. Débat tout à la fois philosophique, éthique et religieux, auquel Nicolas S. ne semblait pas prédisposé à participer.

Ses déclarations m'ont choquée car elles constituent une forme de déresponsabilisation de l'individu et de la société que je trouve dangereuse, et qu'elles heurtent ma conception de l'Homme en tant qu'être (relativement) libre de ses choix et de ses actes. J'ai en outre du mal à voir le rôle que pourraient jouer les gènes dans nos préférences ou nos comportements. S'il y a bien des gènes déterminant la couleur de nos yeux, existe-t-il pour autant des gènes déterminant quelle sera notre couleur préférée? Et notre orientation sexuelle?

Cependant, je dois reconnaître que certaines observations que j'ai faite sur des nourrissons m'ont troublée et me poussent à croire qu'il existe des prédispositions (à la violence ou à la cruauté par exemple). J'ai aussi entendu dire que l'on pouvait "produire" des chiens particulièrement violents en sélectionnant leurs géniteurs, ce qui laisserait supposer qu'il existe bel et bien des gènes prédisposant à la violence, et ouvrirait dès lors la porte à bien des extrapolations... Si je suis donc prête à croire que les gènes nous prédisposent, je refuse d'admettre qu'ils nous condamnent et que "naître pédophile" soit une fatalité contre laquelle on ne puisse lutter.

Les propos de Nicolas S., aux connaissances scientifiques certainement aussi développées que les miennes, m'ont rappelé Les pensées que le biologiste Jean Rostand (le fils de son père, dont il faut absolument visiter la merveilleuse villa entourée de son délicieux jardin) avaient énoncées voilà plus d'un demi-siècle et qui n'en finissent pas de me contrarier :

Ce qu'on donne à l'hérédité, disait le philosophe Ribot, on le retranche de la liberté. Au  vrai, ce n'est pas ainsi que le problème se pose. L'acquis n'est pas moins déterminé que l'inné, et la part du déterminisme héréditaire réduit simplement celle du déterminisme circonstanciel.

Tout ce qu'est un individu, en bien ou en mal, il ne l'est que pour avoir reçu de ses parents telles molécules et pour avoir subi telles influences externes. Nos récompenses ou nos châtiments ne vont jamais qu'à la chimie et qu'à la chance.

Un certain oeuf évolue dans un certain milieu, et voilà tout l'individu. On hésiterait à insister sur de telles évidences biologiques si l'on n'entendait dire parfois, à propos de tel ou tel criminel, qu'il n'a l'excuse ni d'une hérédité vicieuse ni d'une mauvaise éducation. Affirmation pour le moins étrange, et digne de M. Jourdain quand il ne voulait ni prose ni vers.

L'on penche à excuser un coupable si l'on juge que ses cellules cérébrales furent viciées par quelque virus. Mais si elles le furent par un mauvais gène? Pour maintenir nos rigueurs morales, profitons de la grossièreté de notre savoir.

La société a sans doute le droit de se protéger contre les protoplasmes anti-sociaux; mais il faut bien qu'elle sache que, lorsqu'elle croit châtier un homme, elle ne punit jamais qu'un oeuf ou des circonstances.

Celui qui nie le déterminisme biologique ignore-t-il donc que certains actes sont aussi interdits à certains hommes que d'avoir les yeux bruns ou le nez plat s'ils n'en ont pas reçu les conditions germinales? Suppose-t-il qu'étant organiquement le même on puisse agir différemment? Pour sauver la notion de responsabilité individuelle, il faudrait eller, je crois, jusqu'à admettre qu'on soit responsable de ses chromosomes. (...)

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Commentaires
D
Je pense comme toi qu'attribuer une partie de nos comportements à l'action de nos gènes est quelque peu irresponsable...<br /> Je veux bien que certaines personnes aient des problème de surpoids en mangeant comme des moineaux, ou d'anorexie en mangeant comme quatre parce que leur métabolisme ("configuré" par leurs gènes) est tel qu'il est, j'ai des ami(e)s dans ce cas.<br /> Mais dire par exemple qu'un comportement de pédophile ou de violeur est génétique, j'ai plus de mal...<br /> Certes on pourrait dire que ces personnes ont des gènes les prédisposant à des pulsions sexuelles incontrôlées... Mais de là à passer à l'acte, on rentre dans le cadre de la responsabilité individuelle, tout le monde à a des pulsions, mais certains les refoulent là ou d'autres franchissent le pas.<br /> Quand Nicolas S. déclare "Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense." j'ai aussi beaucoup de mal, considérant que l'éducation a une part très importante dans le comportement...<br /> Il suffirait de prendre deux vrais jumeaux (comme moi et mon frère par exemple) et de les plonger dans deux univers totalement différents, l'un propice à un comportement violent/sexuellement déviant, l'autre non...<br /> Et bien le résultat n'est pas donné d'avance, rien ne prédétermine les tendances de l'un comme de l'autre, rien n'est acquis si je puis dire...<br /> Mais en aucun cas selon moi on ne pourra donner comme excuse à un comportement des prédispositions génétiques...<br /> J'adore en ce sens la petite phhrase "Mind Over Matter", qui résume assez bien ma position sur la question, qui me paraît la plus responsable au demeurant...<br /> La biologie nous prouvera peut-être le contraire...
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