Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Poussière de toile
Poussière de toile
Publicité
Poussière de toile
Archives
25 avril 2006

Family Portrait

metro048

Ils sont montés dans le métro juste à temps.

L'aînée s'assied sur un strapontin de l'autre côté, laissant les deux qui me font face pour sa mère et ses deux frères.

Elle porte des lunettes bien rondes, des nattes très sages et un énorme sac à dos dont elle a renoncé à se débarrasser, sans doute de peur de ne pas pouvoir le remettre sur son dos ensuite. Il ne lui laisse plus beaucoup de place sur le siège, mais elle ne se plaint pas et positionne ses pieds de façon à ne pas tomber.

A côté, sa mère affiche un visage incroyable, qui semble marqué par de profondes souffrances et une grande fatigue. Elle fait sans doute plus vieille que son âge, mais son regard est emprunt d'une extrême bonté. Je me demande si son voile ne cache pas des cheveux trop tôt passés à l'heure d'hiver.

Elle porte sur ses genoux le benjamin de la fratrie, un petit bonhomme aux vêtements colorés et d'une coordination douteuse, qui s'étire en gazouillant. Assis à leurs côtés, le grand frère de 7 ou 8 ans aux lacets non assortis à ses baskets les couve des yeux. Ses vêtements aussi détonnent étrangement, même dans ce décor sordide. Des vêtements trop amples, trop usés, trop différents et trop mal harmonisés pour avoir été achetés ensemble. Des vêtements sans doute issus de dons, peut-être de ceux qu'on fourre pour se donner bonne conscience dans les containers de la Croix Rouge. Des vêtements qui font mal au coeur quand on les reconnaît, qui nous font penser qu'on aurait pu mettre aussi des vêtements neufs dans ces containers, parce que quand même ceux-là sont dans un sale état. Des vêtements qui rendent honteux, parce qu'on ne les aurait jamais mis, nous qui avons les moyens d'avoir le choix.

Le benjamin, volontairement ou pas, en faisant mine de s'étirer pour la quatrième fois, met sa main dans la figure de son aîné, qui étouffe un cri de surprise et de douleur. La mère gronde, car "il ne faut pas faire de mal à ton frère". Elle ne paraît pas en colère, juste déçue et chagrinée.

Le bambin se tourne vers son grand frère pour lui souffler un pardon timide, puis met sa bouche en coeur et l'embrasse sur la joue. Tous les deux rient, d'un rire sincère et doux. La mère sourit et semble soudain être la plus heureuse des femmes. Quand à la soeur, qui a remarqué que je les observais, elle a tourné un visage timide et vaguement inquiet vers moi, comme si elle craignait que je les juge mal, elle et les siens.

Je lui adresse un sourire rassurant auquel elle répond avec une certaine reconnaissance semble-t-il... Et j'ai mal, mal qu'elle redoute le jugement des autres, mal qu'elle ait à souffrir de moqueries, mal qu'elle ne soit pas plus fière de sa famille, qui forme pourtant le plus beau et le plus touchant tableau que j'ai vu depuis longtemps.

Publicité
Publicité
Commentaires
S
merci...<br /> merci de me permettre de voir que toute cette planète n'est pas qu'un infame tas immonde de raclures sans coeur...
Publicité