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Poussière de toile
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Poussière de toile
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18 avril 2006

Je reviendrai à Montréal...

... ou pas.

Petite, je retenais ma respiration à chaque fois que je passais près d'un cimetière. J'imaginais qu'il devait y régner une odeur de mort très forte et très désagréable.

En fait, je n'ai jamais beaucoup aimé les cimetières, que j'ai soigneusement évités jusqu'à ma majorité. Jusqu'à ce que des amis étrangers me demandent de leur servir de guide pour visiter le Père-Lachaise et le cimetière du Montparnasse.

Ce qui ne fut finalement pas si désagréable que ça. C'était un peu comme se promener dans un parc. Sauf qu'il y avait beaucoup de marbre et beaucoup de croix...

Je n'avais jamais réitéré l'expérience depuis, allant même jusqu'à décliner les invitations aux enterrements et autres fêtes familiales ou amicales.

Et puis il y a eu ce petit village médiéval de Montréal, perché au sommet d'une colline de l'Yonne. Le Guide Vert nous conseillait de monter sur le plateau profiter du panorama. Le ciel était dégagé, c'était un temps idéal.

Le plateau en question comportait une jolie petite église garnie d'un cimetière mignon.

J'ai tenté de prouver par A+B que 1+1 ne faisait pas 2 et que ce n'était certainement pas du cimetière qu'on pourrait admirer le paysage, mais je me suis retrouvée seule devant la grille entrouverte avant d'avoir terminé mon plaidoyer...

Après quelques hésitations, je décide néanmoins de pénétrer dans le cimetière, et le premier pas franchi, me mets à slalomer tranquillement entre les tombes.

"Je ne suis pas morte, j'entre dans la vie", nous lance de l'au-delà une vieille dame apparemment optimiste décédée il y a quelques années seulement.

Cédant à ma manie de compter tout et n'importe quoi, je prends un certain plaisir à calculer l'âge auquel les locataires du cimetière sont morts. Je remarque que les tombes les plus fleuries appartiennent à de vieilles personnes disparues après 1997 pour la plupart, et je commence à établir de petites statistiques sur l'âge et les années de décès inscrites sur le marbre.

Mais soudain, la photo de l'une de ces personnes me rappelle dans quel endroit je me tiens et certaines réminiscences me font imaginer dans quel état mes "voisins" doivent se trouver. On m'appelle, il paraît que la vue n'est pas mal au bout du cimetière. Je dois contourner l'église et passer au milieu de dizaines de tombes encore pour pouvoir admirer le panorama...

C'est trop pour moi. Je reste accollée un moment à l'église, jette un coup d'oeil de l'autre côté. Il semble qu'il y ait moins de tombes par là. Je ne suis pas très loin de la grille, les autres me rejoindront. Je me dis pour me donner du courage que tous ces braves gens ont eu une longue vie et qu'elle fut sans nulle doute heureuse. Parce qu'en conformité avec la vision occidentale, j'admets plus facilement la mort de personnes âgées que celles de personnes jeunes.

En plus le soleil brille. Je me force à respirer à pleins poumons... L'air n'est même pas pestilentiel.

J'aperçois une plaque de marbre bien plus petite que les autres. Surtout ne pas tourner la tête, ne pas lire les dates, ne pas y penser et continuer d'avancer vers la sortie.

On m'appelle encore, il faut que je m'arrête pour répondre. Mais impossible de redémarrer. Je suis face à une plaque noircie par les années et l'absence d'entretien. Pourtant, elle est ornée d'un bouquet de fleurs. Un tout petit bouquet. Simple, modeste et pas fané. Rien d'autre. Je n'ai pas du tout envie de lever la tête vers la stèle pour tenter de percer le mystère de cet unique bouquet. Je ne veux pas savoir qui occupe les lieux, non.

1894-

La curiosité a été la plus forte... Une très ancienne tombe donc. A moins que l'occupant ne soit décédé à un âge avancé. Ca expliquerait la présence d'un bouquet. Il y aurait encore des gens ici qui se souviennent de lui ou d'elle. D'ailleurs, est-ce Il ou Elle?

Juste un coup d'oeil furtif, qui ne dérappera pas sur la seconde date. C'était Il.

J'en sais assez maintenant, je dois vraiment y aller. Hop, désolée pour le dérangement et bien le bonjour chez vous.

Ah ben non... Mes pieds ne sont pas d'accord pour lever le camp...

Je dois obtempérer. Allez, je dirais après 1997 pour ce vénérable centenaire. J'ai bon?

-1915

Merde. Je savais qu'il ne fallait pas que je regarde ça.

montreal1J'ai passé le reste de la journée à imaginer une mère apprenant la mort de son fils, la mise en terre devant le village assemblé d'un enfant du pays, la vie dans ce village avant 1914, le dernier descendant de cette famille ou un simple quidam soucieux de fleurir la tombe d'un mort pour la patrie...

Avec l'église, le cimetière et le panorama en toile de fond.

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Commentaires
P
sans moi alors :D<br /> Pour la sérénité, je préfère les parcs et squares (ou encore ma chambre, mais on prend moins le soleil). <br /> Dans les cimetières, c'est surtout de la tristesse que je ressens, pour ceux qui reposent là et pour ceux qui les ont enterrés.
A
Je ne peux pas dire que j'aime les cimetières. Mais je m'y sens étrangement calme. Ce sont des lieux étranges et fascinant, avec ses vies résumées à deux dates et un nom, parfois qqes mots... Ses tombes abandonnées aussi... Il s'en dégage une infinie tristesse couplée d'une infinie sérénité.
S
comprends pas, c'est bien les cimetières, "là tout n'est que calme, luxe et volupté" (enfin presque)...c'est reposant je trouve!pis ça aide à appréhender la mort sereinement: tu sais qu'au final t'auras plein de voisins très calmes!
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